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Tour du monde en famille : l’avis d’une ado 10 ans après
Un de mes rêves serait de repartir sur les routes pendant plusieurs mois avec les enfants. Je me demande souvent comment ils vivraient cette expérience de « tour du monde » en famille. Et puis ce qu’il leur en resterait. Depuis mon article sur le voyage avec des tout petits, vous savez que j’accorde plus d’importance au « Chemin » qu’aux souvenirs impérissables qu’il génère chez les enfants. Mais quand même, dans le cas d’une expérience aussi longue, cela m’intrigue !
Quand on part en Tour du monde, les enfants ont moins conscience que nous les adultes de la nécessité d’en « profiter pour longtemps ». Ils n’ont pas non plus le souhait (souvent lié à ce genre de projet) de vouloir en faire un bilan personnel et un parcours initiatique (ou en tout cas pas la conscience que ça en est un !). Bref, le voyage au long court change-t-il autant les enfants que les parents ? Dans quelle mesure influence-t-il leur personnalité sur le long terme ?
J’ai rencontré Anne-Sophie, 23 ans, partie faire un tour du monde avec sa famille pendant un an, il y a presque 10 ans. Elle avait donc 14 ans et vous allez voir que ce projet ne fut pas une évidence pour elle au départ. Le tour du monde d’une ado, 10 ans après, vu par l’adulte qu’elle est devenue : action et réflexion !
=> regarder la vidéo d’un tour du monde en vélo : 7 ans sur les routes et 2 enfants nés pendant le projet !
Parle-nous avant tout de ta famille et de votre Tour du monde en 2006…
Nous sommes la preuve que l’on peut faire un tour du monde avec une famille nombreuse ! J’ai un frère et deux sœurs, et tous les 6 avec mes parents, nous sommes partis un an à travers les USA, le Canada, la Chine, la Thaïlande, le Vietnam, Bali (Indonésie), l’Australie, la Nouvelle Zélande, la Polynésie, le Pérou, le Mexique et le Costa Rica. Nous avons pas mal dormi chez l’habitant et bougé en transports locaux, camping-cars et même en scooters !
Quand on est parti de notre petit village, les gens nous prenaient pour des fous : partir sur les routes avec 4 enfants de 2, 8, 11 et 14 ans, cela leur paraissait insensé (mais au retour, tout le monde nous enviait !).
Te souviens-tu du moment où tes parents ont annoncé que vous partiez pour 1 an en voyage ?
Ah oui !!!! Un midi à table, ils nous ont demandé si on aimerait bien faire un Tour du monde. J’ai spontanément dis oui, mais après coup, je me suis rendue compte de ce que cela impliquait et j’étais finalement bien moins d’accord ! A 14 ans, ce n’est pas facile de quitter sa vie et ses amis.
J’étais à ce point mécontente de partir, que le premier mois de voyage, j’ai été extrêmement difficile avec mes parents. Ils m’ont mis face à mes responsabilités et m’ont demandé de faire un choix : « soit tu restes avec nous et tu profites de l’expérience de manière positive, soit tu rentres en France en pension le temps que l’on revienne ». Ce n’était pas des paroles en l’air et j’ai moi-même pris le temps d’y réfléchir pour de vrai. Mais j’ai finalement (et heureusement) décidé de rester : le voyage pouvait enfin commencer !
Ce tour du monde a-t-il changé votre famille, les liens qui vous unissent, votre manière d’être ensemble ?
Mes parents travaillaient beaucoup avant de partir. On se voyait le soir, mais c’est finalement peu. Cette année passée tous ensemble nous a permis d’apprendre à mieux nous connaître, en profondeur. On est revenu beaucoup plus soudé qu’avant le départ, et c’est toujours le cas aujourd’hui. Bien plus que si on n’était jamais parti, c’est certain.
« En voyage, on apprend à mieux se connaître, on revient plus soudé »
Comment s’est passée l’école pendant l’année du voyage ? Penses-tu que cette année de cours par correspondance ait pénalisé la suite de ta scolarité ?
Nous sommes partis de juillet à juillet, pendant mon année de 3e. Mes frères et sœurs étant plus petits que moi, mes parents les aidaient surtout à travailler, et de mon côté, je les sollicitais quand j’en avais besoin. J’ai ainsi appris à travailler seule pendant cette dernière année de collège. Ce fut une super expérience.
Mes parents avaient en tête de nous faire tous redoubler au retour, et ce, afin qu’on ne se mette pas trop de pression « scolaire » pendant le voyage. Mais je n’étais pas d’accord de « perdre » mes copains de classe… et j’ai bien fait : j’ai eu de super notes pendant toute la suite de ma scolarité et aucune lacune spécifique par rapport aux autres élèves. J’étais en prime devenue très autonome !
Cession cours par correspondance pour mon année de 3e… environ 2h par jour !
Est-ce que ça a été dur de rentrer de ce tour du monde en famille pour toi et tes frères et sœurs ?
Franchement, le plus dur a été pour mes parents. Moi j’étais contente de retrouver ma vie d’avant, les copains, les activités d’une fille de 15 ans.
Pour moi, ce qui a été dur, ce fut de réapprendre à rester assise pendant des heures en classe. J’attendais les cours de biologie avec impatience car on pouvait un peu être debout dans le laboratoire ! Mais, au bout d’un moment, tout rentre dans l’ordre.
Je me souviens que ma petite sœur (2 ans) exprimait toujours vouloir reprendre l’avion après nous retour… la vie nomade devait lui manquer.
Une des siestes de ma petite soeur, sur la plage de Tulum, Mexique
Cette question est vaste et compliquée… mais penses-tu que ce voyage au long court ait fait de toi une personne différente aujourd’hui ?
C’est effectivement difficile à dire. Mais ce qui est certain, c’est que j’ai muri plus vite que mes amis pendant cette même période. J’ai pris conscience de la chance que nous avons tous d’être nés en France. Même par rapport à l’école : après une journée passée dans une classe au Costa Rica, je me suis jurée de ne plus jamais critiquer les cours en France, de les apprécier à leur juste valeur. Je me suis rendue compte des conditions extraordinaires dans lesquelles on pouvait travailler, mais également de la qualité des contenus proposés. Cela pousse à réfléchir…
Par ailleurs, il est certain que ce voyage m’a donné la bougeotte. J’ai attrapé le virus de la découverte et de l’aventure. Aujourd’hui, je m’envole dés que j’en ai l’opportunité.
Cession cours de tissage au Pérou… ça vaut toutes les heures d’arts plastiques du monde, non ?
Enfin, j’ai compris le sens de cette phrase qu’on nous rabâche sans cesse mais qui reste cependant toujours un peu abstraite : « c’est important de bien parler anglais ». Pendant cette année de voyage, j’ai été face à mes lacunes dans cette langue, et ainsi face aux frustrations de ne pas toujours pouvoir répondre aux questions qu’on me posait. Du coup, à notre retour, j’ai décidé de m’emparer du problème et je suis même partie en immersion dans une famille aux USA.
En attendant le bus à Moorea, Polynésie française
Par rapport ton expérience et ce que tu as pu observer avec tes frères et sœurs, quel âge te paraît-il idéal pour partir en voyage au long court en famille ?
Je pense que 14 ans, l’âge que j’avais à l’époque, c’est top (la tristesse dépassée de quitter les copains et la peur effacée qu’ils nous oublient) : on profite vraiment pleinement de toutes les expériences que l’on peut vivre. Je me souviens également de beaucoup de choses, on en parle d’ailleurs encore beaucoup et souvent en famille, même aujourd’hui.
Les champs d’ananas, magiques…
Mais en réalité, à chaque âge son lot d’avantages. Ma petite sœur de 2 ans a développé son sens de la « débrouillardise », et une facilité avec les langues – elle parlait un peu anglais et espagnol avec les gens. Et pour les souvenirs, il lui reste toutes nos photos, qui tournent d’ailleurs en boucle sur l’ordinateur familial !
=> Découvrez la famille Dacaluf, une autre famille inspirante qui raconte son tour du monde en camion !
Pour en savoir plus sur le périple d’Anne-Sophie et sa famille, rendez-vous sur leur blog de l’époque !
Crédit photos : famille Danthony
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Maman aventurière de 2 enfants, j’ai créé Voyage Family en 2015 pour partager ma passion du voyage avec enfant et bébé, vous inspirer, et vous aider concrètement à organiser vos vacances et vos week-ends en famille. Les enfants qui voyagent en conscience seront les citoyens curieux et ouverts dont nos sociétés ont besoin… offrons-leur cette chance et partageons-la avec eux : rejoignez la communauté Voyage Family et retrouvez tous les parents voyageurs sur les réseaux sociaux !
A très vite, Caroline